Quand j’ai proposé aux collègues du je collectif ce thème d’article à la veille des vacances d’été (après l’écoute d’un podcast sur lequel je reviens plus loin), je m’en suis immédiatement mordu les doigts (mais il m’en reste assez pour écrire). Car en effet, comment traiter de ce sujet si vaste, sondé depuis la nuit des temps par tant de philosophes, d’écrivains ou d’artistes et indéfinissable par essence (surtout quand on a un coup de pompe avant les congés) ? Mais mon intuition m’a conduit vers un livre dont on ne soupçonnerait pas a priori qu’il traitât de l’identité (concordance des temps dangereuse)… puisque son titre est « Dynamique des communications dans les groupes ». Sauf que je le savais consciemment ou inconsciemment : « Je » ne se construit qu’avec les autres, de sorte que « moi » est plus au clair avec lui-même dans le monde qui l’entoure et réciproquement. Enfin, je me comprends…

Alors, comme il est d’usage, commençons tout d’abord par remettre du sens dans cette notion en repartant de l’étymologie du mot « identité ». Celui-ci vient du latin idem qui signifie « le même ». Ouawww ! On ne serait donc jamais différent des autres ? On m’aurait menti ? Je ne serai jamais cet être singulier qui se distingue par un halo de lumière dans la brume matinale (holà, je m’emballe). Mais si mon enfant, ne t’inquiète pas.

Mais oui, pourquoi devrais-je être si unique, si différent ? Car comme me l’a appris Isabelle (Grimbert) à la relecture de cet article, « avant le 17e siècle, le mot référait à l’égalité sociale, ou au fait d’être uni avec quelqu’un. La signification individuelle va de pair avec l’abandon d’une conception humaine collective au profit de l’individualité, consacrée aujourd’hui dans notre culture occidentale ». Et d’illustrer ce lien entre le collectif et l’individuel par une phrase de Montaigne : « Chaque homme porte en soi l’humaine condition ».

« Chaque homme porte en soi l’humaine condition »

Montaigne

Le je collectif en somme ! Et pour revenir aux fondements de l’identité, selon Gilles Amado, professeur émérite de psychologie au groupe HEC et André Guittet, écrivain spécialiste en communication, les auteurs du fameux livre dont je ne soupçonnais pas que… nous héritons à la naissance d’un code génétique, d’un nom, d’une famille, d’un lieu de naissance qui constituent en quelque sorte le socle de notre identité. A partir de ces repères stables, nous tentons de maintenir une forme de permanence des choses alors même que, poursuivent les auteurs, « le propre du vivant, c’est le changement, l’évolution continue ». Oh ben mince alors, c’est jamais gagné ? Eh bien non et il va falloir t’y faire mon grand ! Oui mais comment ?

« Trouver sa voix ou sa voie »

Au-delà de la « carte d’identité » (et de sa photo qui nous fait maudire l’inventeur du Photomaton), nous héritons d’un capital culturel, c’est-à-dire le produit de nos actions, croyances, émotions, images ou rêves qui émergent de nos interactions sociales. Dans la « communauté humaine », tout l’enjeu réside dans notre capacité à élucider nos forces, celles qui vont guider nos comportements et nos choix de vie : « les goûts, les valeurs, le métier… » précisent les auteurs.

« Une identité plurielle, évolutive »

Ah facile, je vais écrire une liste ! Alors, j’aime… le beurre, la solidarité et la formation. Ayé, j’ai fini ! Mouais… Cela paraît un peu réducteur cette histoire car l’identité ne peut se limiter à une déclaration de « j’aime ceci » ou « je suis celà ». Comme le rappellent Amado et Guittet, « l’identité se révèle plurielle, évolutive ». Et de poursuivre pour nous donner quelques pistes d’action (parce que faut pas déconner quand même) : « Le sentiment d’unité, le sentiment d’être soi repose sur une construction personnelle. Il s’élabore progressivement dans l’action quotidienne ». Okay, super les gars ! Alors par quoi je commence ? Celui que j’étais hier ou celui que je pense être aujourd’hui ou alors celui que je voudrais être demain ? (ça en fait du monde à la maison !)

« Nous sommes autant le produit d’une réalité que d’une histoire »

Du calme mon enfant, relis juste les quelques mots qui suivent car les auteurs nous donnent des clés de compréhension : « Le passé se trouve réactualisé et chacun élabore ainsi sa propre légende. La personne se définit donc autant par les données de son histoire que par ses rêves, ses projets, ce que chacun aspire à devenir, tente de faire, de réussir ». Alors comme ça, nous sommes autant le produit d’une réalité que d’une histoire, d’un récit que nous construisons et déconstruisons sans cesse ? Oui mon ami, ce n’est donc jamais figé, jamais écrit d’avance. Et les auteurs d’aller encore plus loin comme pour nous mettre en garde contre le sentiment rassurant d’une identité monolithique et éternelle : « Cette identité qui se construit et se reconstruit sera ainsi marquée par des crises, des réaménagements successifs du fait de la confrontation avec la réalité ou avec autrui ».

Donc, je ne serai jamais Brad Pitt, c’est ça ? Ben non, mais tu peux être Richard si tu veux. Parles-en à tes collègues du je collectif, ils t’aideront peut-être à savoir qui tu es…

Les suggestions de lecture ou d’écoute estivales du je collectif
  • « Dynamiques des communications dans les groupes » par Gilles Amado et André Guittet – Editions Armand Colin
    Proposé par Richard et largement évoqué dans cet article mais qui va plus loin dans un chapitre qui clarifie aussi les thèmes de la confiance en soi, du moi intime et du moi social ou encore de la relation.
  • Podcast France Inter « Qui suis-je ? L’identité ou la leçon de Romain Gary«  par Laurie Laufer, psychanalyste
    Proposé par Richard, un podcast instructif et éclairant sur l’identité plurielle.
  • « Le répondeur » par Luc Blanvillain – Quidam Editeur
    Proposé par Soizic, un livre drôle sur l’histoire d’un écrivain fatigué d’être assailli d’appels téléphoniques et qui demande à un imitateur de se faire passer pour lui.
  • « Si je m’écoutais, je m’entendrais » par Jacques Salomé et Sylvie Galland – Edition J’ai lu
    Proposé par Mirta, un ouvrage écrit par l’un de ses auteurs préférés car il propose un chemin pour devenir ce qui nous rend unique.
  • « Le cercle des menteurs » par Jean-Claude Carrière – Editions Plon
    Choisi par Isabelle qui en a fait un livre de chevet, cet ouvrage est un recueil où l’auteur propose un parcours passionnant dans un ensemble de « Contes philosophiques du monde entier ». En voici un extrait qui pourra nourrir notre réflexion :  » Dans le monde qui vient, la question qu’on va me poser, ce n’est pas : Pourquoi n’as-tu pas été Moïse ? Non. La question qui va m’être posée, c’est : Pourquoi n’as-tu pas été Zousya ? »
  • « Le sacré dans la vie quotidienne » par Michel Leiris – Editions Allia
    Proposé par Elaine, un ouvrage dans lequel l’auteur se fait auto-ethnographe pour se décrire comme sujet et comme objet d’observation.
  • « L’anomalie » par Hervé Letellier – Editions Gallimard
    Proposé par Emmanuel, dans ce roman (lauréat du prix Goncourt 2020) où la logique rencontre le magique, l’auteur explore cette part de nous-mêmes qui nous échappe.
Le je collectif